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pas de lui de s'assimiler quoi que ce soit de contraire à la vérité ou à la saine raison ".

En 1799, il fut envoyé à Paris pour y terminer son éducation; il y travailla sous les yeux et la direction de son oncle, alors Membre de l'Institut et Conservateur des Arts et Métiers. Ce savant ne tarda pas à découvrir une trempe d'esprit analogue à la sienne, et, frappé de ses remarquables dispositions pour les sciences, il s'efforça de lui inculquer ses propres idées et de développer dans son élève cette hardiesse et cette justesse d'esprit qu'il possédait à un si haut degré.

Cependant, avant d'entreprendre les oeuvres importantes qu'il méditait, Marc Seguin crut prudent de commencer d'une façon plus modeste par l'introduction dans sa ville natale d'une industrie nouvelle, celle de feutres destinés à la fabrication du papier; son but était d'établir sa réputation d'industriel, d'augmenter sa fortune et d'acquérir les aptitudes commerciales qui cadraient mal avec sa nature ardente. Il sut, du reste, bien vite profiter des leçons de l'expérience et se fit remarquer de suite par son génie inventif même dans cette modeste branche de l'industrie.

C'est à ce moment qu'il s'occupa des moyens de communication entre les rives des grands fleuves. Il eut alors l'idée d'introduire en France le système des ponts suspendus qui commençait à se propager en Amérique et en Angleterre, et de remplacer les suspensions défectueuses usitées jusqu'alors en barres ou en chaînes de fer, par des câbles en fil de fer. Il


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se livra à une suite de calculs et d'expériences qui lui firent entrevoir la possibilité d'exécuter son projet. Il fit d'abord, comme essai, en 1823, près de sa fabrique de drap, un petit pont sur la Cance, qui avait 18 mètres de long sur 0 m. 50 de large, et ne coûta guère plus de 50 francs; ce qui lui montra dans quelles étroites limites de dépense on peut construire des ponts en fil de fer. Un second essai fut tenté, l'année suivante, sur la Galaure, près de Saint-Vallier, et eut un égal succès.

Dès lors, Marc Seguin regarda comme parfaitement dé-montrée la possibilité de fournir un passage de ce genre sur les plus grands fleuves, non seulement aux piétons, mais aux plus lourdes voitures; aussi présentait-il au Gouvernement le projet d'un pont sur le Rhône, qui donna lieu à un rapport favorable, à l'Institut de MM. de Prony, Fresnel, Molard et Girard.

A la suite de ce rapport, le Gouvernement accorda aux frères Seguin, le 22 janvier 1824, l'autorisation de construire, à leurs risques et périls, un pont en fil de fer sur le Rhône, entre Tain et Tournon. Ceux-ci se mirent aussitôt à l'œuvre et activèrent d'autant plus vigoureusement l'exécution de ce travail, qu'ils devaient le terminer en dix-huit mois et que tous les hommes de l'art avaient les yeux fixés sur eux pour s'assurer du degré de confiance que méritaient ces nouveaux constructeurs, étrangers jusqu'alors aux travaux publics.

La promesse donnée fut régulièrement tenue, et le pont de Tournon, le premier en fil de fer qui ait été jeté sur un


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grand fleuve, fut solennellement inauguré le 25 août 1825. Le pont de Tournon se composait de deux travées de 85 mètres chacune, on sait quelles gigantesques dimensions ont été atteintes depuis, et l'expérience a prouvé quels avantages résultent de ce système, puisqu'il permet de franchir des fleuves dont la rapidité et la profondeur semblaient s'opposer à toute communication entre leurs rives.

Aussi ne faut-il pas s'étonner de l'empressement que l'on mit, de toute part, à imiter l'exemple donné par les Seguin. La simplicité, l'élégance et surtout le bas prix de ces ponts les recommandaient à la faveur publique, et, en peu d'années, plus de quatre cents furent construits tant en France qu'à l'étranger.

C'est à cette époque (1822) que Marc Seguin publia son ouvrage sur les ponts en fil de fer, où il exposa les principes qui président à leur construction, il donna en même temps, les résultats et le tableau de nombreuses expériences sur la ténacité, la résistance et l'allongement du fer forgé, du fil et de la fonte. Il rendit compte des minutieuses observations auxquelles il se livra pour déterminer les circonstances qui accompagnent leur rupture et rectifia bien des erreurs qui avaient cours à ce sujet. Cet ouvrage fut accueilli très favorablement et il est resté une des bases de tout ce qui a trait à la résistance de ces matériaux.

Marc Seguin ne borna pas là ses entreprises. Un voyage, qu'il fit à Genève en 1823, pour l'établissement des ponts

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