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suspendus, lui fournit l'occasion de voir un bateau à vapeur, construit par un américain, M. Churc, et dès lors, il conçut l'idée d'employer un semblable moyen pour remonter le Rhône. Un service de bateaux à vapeur, établi par lui entre Valence et Lyon, fonctionna avec succès pendant quelques temps; mais l'imperfection où se trouvaient encore les machines et d'autres obstacles matériels, déterminèrent les frères Seguin à tourner leurs vues d'un autre côté. Cependant l'impulsion n'en était pas moins donnée, et d'autres sont venus plus tard exploiter cette mine qui a singulièrement accru la richesse de Lyon et de toute la vallée du Rhône.

Cette entreprise marqua cependant une époque mémorable (1825), celle de l'invention de la chaudière tubulaire. Marc Seguin remarquant, en effet, combien peu de vapeur produisaient les chaudières des machines qu'il avait tait venir d'Angleterre, imagina les chaudières tubulaires qu'il appliqua deux ans après aux locomotives. Un bateau à vapeur, pourvu de trois chaudières, munies chacune de quatre-vingts tubes de 4 centimètres de diamètre et de 3 mètres de long, fit plusieurs voyages entre Vienne et Lyon.

On voit déjà, d'après les travaux entrepris par Marc Seguin, qu'il se préoccupait d'une idée générale, celle de développer, dans une large mesure, les moyens de communication de son Pays, persuadé que c'était un des éléments de richesse les plus puissants; aussi conçut-il le projet de visiter l'Angleterre, qui nous avait bien devancés dans cette voie en créant de


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tous côtés des routes, des canaux, des chemins de fer dont l'usage était alors limité aux grands transports de houilles, de minerais et de matières premières. Il se mit en rapport avec Stephenson et plusieurs grands constructeurs anglais et visita la ligne de Darlington à Stockton alors en construction.

C'est au retour de ce voyage, qu'il voulut doter son pays de ce moyen de communication en créant un chemin de fer entre Saint-Etienne et Lyon, par Givors, Rive-de-Gier et Saint-Chamond. Après avoir fait soigneusement cette étude, il s'en ouvrit à M. de Villèle, alors Ministre des Finances, et cet homme d'État, dont le coup d'oeil était si juste, eut bientôt compris les services que Marc Seguin pouvait rendre à l'industrie nationale; aussi le seconda-t-il de sa haute protection dans toutes ses entreprises.

En 1826, Marc Seguin obtenait, avec ses frères et M. Biot, l'illustre physicien, la concession du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon, et se mit à l'œuvre immédiatement. Il développa, dans cette circonstance, une rare énergie et des qualités éminentes, qui le placèrent bientôt au premier rang des ingénieurs de son pays. Le chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon présentait, en effet, sur une longueur de 56 kilomètres, tous les obstacles, toutes les difficultés, tous les accidents de terrains qui se rencontrent sur les plus larges parcours. Il serait malaisé, à notre époque, où la science de l'établissement des chemins de fer a atteint une extrême perfection, de se rendre compte des difficultés que Marc Seguin eut à surmonter dans l'exécution du chemin de fer de


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Saint-Étienne. Tout était à découvrir et à créer; on n'avait pour soi qu'une seule expérience antérieure pratiquée sur les quelques milles du chemin de fer de Stockton à Darlington. Marc Seguin dut tout être en même temps: inventeur, ingénieur et administrateur. La loi d'expropriation n'étant pas encore créée, les obstacles en étaient multipliés.

" L'exécution du chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon, dit M. Perdonnet dans son Traité des chemins de fer, présentait de grandes difficultés. La plupart des ingénieurs du temps proposaient de les surmonter au moyen de plans inclinés, comme on le faisait alors sur un grand nombre de chemins aux environs de Newcastle. Marc Seguin ne recula pas devant les travaux considérables que nécessitaient une faible pente et les courbes d'un rayon de 500 mètres. II avait deviné l'avenir. C'est le propre des hommes de génie qui devancent leur époque. Nous avons entendu Stephenson lui-même exprimer son admiration pour ce tracé, que tant d'autres considéraient alors comme défectueux.."

Le système des locomotives laissait encore beaucoup à désirer, la quantité de vapeur produite par les chaudières des machines de Stephenson, les seules employées jusque-là, ne dépassait pas 300 kilogrammes de vapeur à l'heure, ce qui ne pouvait lui donner une vitesse supérieure à 6 kilomètres. Marc Seguin leur appliqua sa chaudière tubulaire, et la production de vapeur s'éleva immédiatement à 1.800 kilogrammes à l'heure, soit une quantité six fois plus forte sous un poids moindre, ce qui porta leur vitesse à 40 kilomètres.

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