12 MARC SEGUIN

La locomotive à grande vitesse, ce puissant moyen de civilisation et de vie pour les peuples, était créée. Il serait banal de rappeler l'immense résultat de cette invention qui domine tout le dernier siècle! Marc Seguin, convaincu de l'importance de sa découverte, prit alors un brevet d'invention dont il laissa jouir le public, sans songer à en profiter lui-même. Dès lors, le service des chemins de fer prit une merveilleuse extension. Ils ne furent plus employés uniquement au transport des marchandises. La vitesse doublait leur utilité en y attirant un concours de voyageurs hors de tout rapport avec les calculs que l'on avait tenté d'établir préalablement sur l'accroissement de la circulation. Mais écoutons, à ce sujet un homme d'une compétence incontestable. François Arago disait, dans un discours qu'il prononça, en 1837, à la Chambre des députés, après avoir parlé de la vitesse énorme avec laquelle les locomotives des chemins de fer devaient se mouvoir:" Or, pour que ces machines marchent avec de si grandes vitesses, il faut que la chaudière fournisse sans cesse et sans retard à la consommation du corps de pompe. Une immense chaudière résoudrait le problème, mais elle pèserait immensément, et la machine, loin de faire un travail utile, loin d'entraîner avec rapidité des files de wagons, se déplacerait à peine elle-même. Eh bien! Messieurs, la personne qui est parvenue à imaginer une chaudière de petite dimension, d'un poids médiocre et qui, cependant, fournit largement à la consommation, c'est notre compatriote, Marc Seguin."


MARC SEGUIN 13

Les Anglais ne tardèrent pas à employer la chaudière tubulaire pour la grande navigation à vapeur; ils l'appliquèrent d'abord aux longs parcours et aux vaisseaux de l'État; les avantages qu'ils constatèrent furent si grands, que l'Amirauté anglaise donna ordre dans ses arsenaux de ne plus établir d'autre chaudière que la chaudière tubulaire sur tous les vaisseaux de guerre. Ces résultats sont consignés dans un rapport qui a été fait au Ministre de la Marine française par les ingénieurs qu'il avait envoyés en Angleterre pour observer l'état de la navigation à vapeur; ils sont constatés dans une lettre que M. Moissard, l'un deux, a adressée le 28 décembre 1844 à M. Seguin.

L'application de la chaudière tubulaire est, depuis cette époque, devenue universelle; elle est employée, non seulement sur tous les chemins de fer et sur tous les bâtiments à vapeur, mais encore elle est répandue dans toute l'industrie.

En 1839, Marc Seguin publia son ouvrage le plus connu:
De l'influence des chemins de fer et de l'art de les construire et de les tracer, qui fit une grande sensation au moment où il parut. C'était un exposé de tous ses travaux et le fruit de son expérience résumé avec clarté et concision; c'est encore, à l'heure actuelle, un code précis des principes fondamentaux de cette science. On est étonné, en lisant cet ouvrage à trois quarts de siècle de distance, de voir la clarté des expositions, la nouveauté des aperçus, et les vues presque prophétiques jetées sur l'avenir.

Déjà se dessinait la seconde partie de sa carrière qui devait


14 MARC SEGUIN


être entièrement consacrée à la science. En effet, à propos de l'examen du mode d'action de la vapeur dans les machines, il formule le premier, avec netteté, la théorie de l'identité du calorique et du mouvement, dont l'idée première lui avait été léguée par Joseph Montgolfier. Il donne même le résultat de ses expériences sur l'équivalent mécanique de la chaleur auquel il assigne le chiffre 440 bien proche de celui admis aujourd'hui. " Il existe, dit-il, dans son ouvrage sur les Chemins de fer, une véritable identité entre le calorique et la puissance mécanique qu'il sert à développer, et ces deux effets ne sont que la manifestation apparente à nos sens d'un seul et même phénomène."

Après une œuvre si grande et si féconde, dans laquelle Marc Seguin trouva la fortune la mieux méritée pour lui et sa famille, sa carrière d'ingénieur peut être considérée comme terminée; il ne prit plus part qu'à des travaux d'importance secondaire, tels que ceux du chemin de la rive gauche de Versailles. Satisfait des résultats matériels qu'il avait obtenus, il consacra exclusivement sa vie à l'étude des plus hautes questions scientifiques qui avaient déjà fait l'objet de ses longues méditations.

Esprit éminemment synthétique et frappé de la beauté et de la simplicité des grandes lois découvertes par Kepler et Newton, il essaya d'appliquer les mêmes lois à la constitution intime des corps et formula une théorie sur la cohésion et la distension. Celle-ci fit l'objet de deux Mémoires à l'Institut qui lui valurent l'approbation des savants les plus éminents.

Accueil Page suivante

 

Accueil